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Quel rassemblement pour la France ?

 

J’écoutais hier matin, à la radio, dans le cadre du Festival des mots, qui s’est tenu à la Charité-sur-Loire, un reportage au cours duquel on interrogeait une dame pour savoir, selon elle, quel était le mot qu’elle retiendrait parmi tous les autres. Et de répondre rassemblement. Je ne suis pas loin d’avoir le même avis, encore faut-il s’entendre sur le sens de rassemblement. Le Petit Robert devrait pouvoir nous éclairer. A l’origine, un rassemblement, c’est l’action de réunir des choses qui étaient dispersées. Très vite, on passe au rassemblement qui s’opère par opposition. On fait souvent des rassemblements contre quelque chose ou quelqu’un, contre un groupe, contre des idées, ce qui est à l’opposé du rassemblement qui, lui, devrait emporter l’adhésion de tout le monde. On voit d’ailleurs des rassemblements dispersés par la police.

Et pourtant, dans les circonstances que nous connaissons, la crise que nous traversons, sans savoir si nous la traversons ou si nous nous installons en elle, rassembler tous nos concitoyens, c’est bien ce qui fait défaut actuellement dans notre pays. Les rassembler autour d’un projet commun qui serait acceptable par tous, d’abord parce qu’on n’a pas tellement le choix, devrait être notre préoccupation majeure. La préoccupation de tous nos politiques. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et plus encore qu’on ne le dit.

C’est que, au cours des dernières décennies, on a multiplié les divergences, les séparations, les fractures : fracture sociale en ce qui concerne les salaires, l’habitation, le milieu de vie, que certains peuvent choisir, que d’autres subissent inexorablement. Fracture culturelle, avec une école qui n’est plus la même pour tous, avec une langue qui décline – pas dans tous les milieux –, des médias qui abrutissent, ceux qui n’ont pas la force morale, la capacité mentale de les récuser, l’accès très différent, selon les quartiers, aux bibliothèques, au théâtre, aux salles de concert ou même de sport. et puis il y a ce terrible chômage qui frappe d’un côté les jeunes de l’autre les seniors. Et pourtant, jeunes nous l’avons été, seniors, nous le devenons tous, sauf accident de parcours. La résorption, du moins la diminution du chômage, devrait être une cause nationale, la première, la seule au besoin.

A propos du mariage pour tous, nous avons assisté à ce qui me semble être des rassemblements mal pensés, mal réfléchis, démesurés. Le mariage pour tous – si on s’en tient là et cela semble être le cas – ne concerne qu’une minorité de gens. Cela ne concerne en rien ceux qui ont défilé sous toutes sortes de bannières et slogans. Quand on sait que deux mariages sur trois ne vont pas au terme de la vie des membres du couple, on peut s’interroger sur le bien-fondé des opérations que l’on a vues s’opérer sur nos petits écrans. Quand on sait que tous les deux jours une femme succombe sous les coups de son compagnon, il y a de quoi s’interroger différemment. Il y a du grotesque là-dessous, quand on compare cela à la situation de notre pays, qu’il s’agisse de l’emploi ou des déficits abyssaux, quand on voit ce qu’il en est dans la plupart des pays d’Europe. Nous pourrions nous battre, au sein de cette Europe, pour des enjeux autrement importants ( la langue, nos particularités essentielles qu’elles soient culturelles, ou éducatives, nos modes de vie ). A la rigueur, on pourrait admettre que le mot mariage, qui est d’origine religieuse aurait pu être remplacé par autre chose. L’important, c’était le droit des personnes, et plus encore celui des enfants, pour lesquels il était urgent de faire quelque chose. de combler un vide juridique. Et le comble dans tout cela, c’est qu’on a vu des élus manifester contre une loi qui avait été votée par une majorité légitime, sortie des urnes l’an dernier. Il faudra quand même se pencher un jour sur la signification du mot égalité qui orne les frontons de nos mairies et de nos écoles.

Nous ne devrions pas être des adversaires les uns des autres à propos de tout et de rien. Nous ne devrions pas penser à ce que nous démolirons en entrant en fonction après notre élection, mais à ce que nous construirons pour améliorer ce qui a été fait, en le jugeant à sa juste valeur. Quitte à l’infléchir.

Dans cette affaire du mariage pour tous, ce qui m’a le plus choqué, c’est l’attitude des catholiques. Je pense qu’ils ont perdu de vue ce qu’est la charité chrétienne, ils ont ignoré le précepte de la Bible selon lequel : Tu ne jugeras point, ils auraient bien fait de se repasser la parabole de la Femme adultère. Mais il y a loin là aussi, de l’enseignement du Christ à sa mise en application. Comment ne pas songer aussi au Publicain qui reste dans le fond du temple, à prier, à dire son humilité, tandis que le Pharisien se prend pour le pilier du même temple ? Que dire encore de ceux qui sont embrigadés, endoctrinés par des idées extrémistes qui, si elles venaient à voir le grand jour, celui du pouvoir, conduiraient à ces dictatures que l’on a connues par le passé, et qui viennent dans les manifestations pour en découdre, pour casser du C. R. S. ?

Notre société a besoin de se repenser, de se requalifier. De se ressaisir ! De réaffirmer les valeurs de la République : de bonnes causes, nous l’avons vu, il n’en manquerait pas. le peuple est dégoûté des hommes politiques et l’on a vu récemment un chef de parti se féliciter d’une élection de député qui s’était faite avec 86 % d’abstentions. Si on veut que les gens reprennent le chemin des urnes, il faut que certaines choses changent. Agir dans le bon sens devient une urgence absolue dont on ne fera pas l’économie, à moins de vouloir voir s’installer des troubles de plus en plus violents, de plus en plus néfastes pour notre pays. Ce qui arrive pour l’instant touche de petites fractions de la population. On peut et on doit le condamner sans réserve. Mais bientôt, si nous ne faisons rien pour modifier ces données, qui sont comme des ingrédients dans une éprouvette, prêts à interagir, nul ne sera à l’abri des affrontements de la France d’en-bas avec celle d’en haut. On ne pourra plus arrêter un processus de dégradation qui n’a cessé de s’amplifier au cours des dernières années. Il importe de s’attaquer aux causes sans retard et seul un large rassemblement en serait capable.

Je me demande finalement qui a vraiment conscience de cela. Je ne voudrais pas jouer les Cassandre mais tout m’y porte. Nous marchons sur la tête et bientôt sur des charbons ardents. La France a des richesses et de nombreux atouts. Il semble que ce soient les hommes qui lui manquent aujourd’hui. On répète souvent qu’on n’a pas besoin d’homme providentiel, et même que cette catégorie n’existe pas. On a sans doute raison mais il convient de dégager de vraies élites qui ne donnent pas le spectacle lamentable auquel nous avons assisté ces derniers temps, où fleurissent des scandales dont ne sait si nous verrons la fin et le jugement. La crise que nous traversons n’est pas que financière, elle est aussi morale, psychologique : notre pays est un grand corps malade.

 

Louis Delorme

 

 

 

 

 

 

Rassemblement

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