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    « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » On entend souvent cette phrase et je veux bien croire que c’est par dérision qu’on la prononce. Mais le problème de la complexité n’est pas résolu pour autant. Dans son ouvrage sur l’année 94, intitulé Une année Sisyphe ( éditions du Seuil ), l’anthropologue Edgar Morin expliquait que la complexité de notre monde allait croissant et il montrait comment et pourquoi.
    Il n’est pas question pour moi, au cours de cette réflexion, de prendre parti pour quoi que ce soit. J’ai seulement besoin de mettre les situations en lumière. Mon souci de vérité m’y oblige.
    Je ne parlerai pas des paperasses dont le nombre s’est multiplié mieux que les pains et qui rend difficile la gestion des administrations, des collectivités locales, de l’état. On nous promet régulièrement des simplifications et nous sommes souvent comme la sœur Anne... le service des impôts a fait un effort pour nos déclarations mais encore que de sortes de taxes, que d’exonérations, que de majorations, que de niches fiscales, que de doublons dans les services, dans les commissions, que de tracasseries de toutes sortes qui gênent le bon fonctionnement de nos institutions  Que la science se soit complexifiée à mesure des découvertes, je le comprends et force nous est de l’admettre, différentes disciplines étant parvenues à l’état de science à part entière, chaque savant ne pouvant plus être spécialiste que dans sa propre sphère. Les abeilles font peut-être encore leur miel comme du temps d’Homère, mais nos enfants n’étudient plus ce que nous avons étudié et les leurs moins encore. Les sciences atomique, médicale, mathématique, etc. ont connu des innovations qui font que nous serions bien incapables de faire les devoirs de nos petits-enfants. Il n’y a là rien d’anormal. Galilée ou Vinci connaissaient à peu près toute la science de leur temps. Aujourd’hui, un scientifique doit se cantonner dans son domaine et souvent, on a du mal à passer d’une science à l’autre même lorsque celles-ci sont très proches. Les gens se sont spécialisés au nom d’une plus grande compétence mais au détriment d’une culture jadis plus étendue. En ce qui concerne le domaine des sciences, on peut admettre cette évolution. Il n’en va pas de même avec la société, l’école, les us et coutumes, les lois.
    Les états, les peuples, les gouvernants, les individus, n’ont pas vraiment pris conscience de cette complexité croissante qui, à terme, pourrait mettre en péril l’édifice de nos sociétés. Prenons quelques exemples :
    Le tabac ! On taxe de plus en plus les cigarettes et la consommation diminue. C’est un bienfait puisque le nombre de cancers du poumon, qui est encore très élevé, doit diminuer lui aussi. Mais on s’aperçoit tout à coup que les patchs antitabac sont ne sont pas aussi innocents qu’on pourrait le croire. Quant à la cigarette électronique, elle commence à avoir aussi ses détracteurs. Par ailleurs le nombre de cigarettes de contrebande vendues sous le manteau ne cesse d’augmenter. L’état doit compenser la perte des taxes par un autre impôt. Il faut bien soigner les gens que la consommation de tabac a rendus malades, même s’ils sont moins nombreux  
    La voiture ! On a multiplié les radars, les contrôles et le nombre d’accidents a été réduit sensiblement ; et plus encore le nombre de morts. Mais on enlève des points à tire-larigot, ce qu’il fait qu’on a plus d’un million de conducteurs qui roulent sans permis et donc sans assurance. On nous dit que la conduite devient plus raisonnable, et que le nombre de P. V.  est donc en chute libre. Cela va faire à la longue un manque à gagner qu’il faudra bien compenser par autre chose. En disant cela, je vais peut-être faire hurler. Mon but n’est pas de provoquer mais d’analyser froidement, peut-être incomplètement, peut-être avec des erreurs, des lacunes certainement, mais je ne parle pas de choix ; je veux seulement faire toucher du doigt la difficulté qu’il y a à prendre telle ou telle décision, tant le vol d’un papillon à Tokyo... vous connaissez la suite.
    Les énergies renouvelables ! Il est question de pénaliser ceux qui n’auront pas fait chez eux les travaux nécessaires pour consommer moins. On nous dit que les taxes ainsi générées permettront de réaliser de nouvelles éoliennes, de nouveaux parcs de panneaux solaires. Mais si tout le monde se plie à cette exigence, il n’y aura plus de recette et on sera dans l’impossibilité de financer les créations de nouveautés énergétiques. Nous sommes sans arrêt confrontés à des dilemmes, voire des trilemmes  et les décisions à prendre sont de plus en plus aléatoires. On ne sait pas ce que va déclencher telle ou telle résolution, telle ou telle loi.
    L’école ! On essaie, depuis un an, de remettre une demi-journée supplémentaire dans l’emploi du temps des primaires, moyennant quoi, on pourrait alléger les après-midi et avoir des journées moins longues, moins fatigantes. Je ne suis pas certain que la fatigue des enfants soit due au travail scolaire. Il faudrait chercher du côté de l’après-école : des heures de télévision, des couchers tardifs, des activités de toutes sortes qui alourdissent l’emploi du temps de nos gamins. Jusqu’en 1970, j’ai enseigné cinq jours par semaine ; nous avions le repos du jeudi et du dimanche. Les enfants restaient presque tous au cours du soir jusqu’à 18 heures pour faire les devoirs, et ils avaient encore les leçons à apprendre à la maison. Je n’ai remarqué, à l’époque, une fatigue chez mes élèves que le lundi, lorsqu’il y avait eu un week-end prolongé. C’est vrai qu’à l’époque, les instituteurs surveillaient les cantines ( mal payées ), assuraient la récréation d’avant la reprise de l’après-midi, les cours du soir, ce qui faisait que les collectivités locales avaient moins de dépenses à budgétiser. L’habileté des maîtres à s’occuper de gamins ajoutait aussi à leur autorité. La difficulté principale, il faut la chercher dans l’absence de consensus. On ne fait pas une réforme d’un trait de plume. Il faut s’en donner les moyen, ici, les compétences et les fonds nécessaires
    Le travail du dimanche. Un beau sujet de controverse. On comprend les syndicats qui attachent un grand prix au repos dominical, arraché de haute lutte dans le passé. Un passé où l’on faisait travailler les enfants dès l’âge de sept ans, où l’on faisait des journées de quatorze heures et plus, où il n’était pas question de sécurité sociale, de congés payés, de retraite, de prud'hommes, d’indemnité de chômage. L’extension de celui-ci a notamment changé sensiblement la donne. On comprend aisément qu’il s’agisse pour les syndicats d’un symbole fort qu’il faut absolument défendre. Mais la société a beaucoup évolué. Outre que pas mal de clients n’ont que ce jour-là pour acheter le nécessaire à leurs travaux de bricolage, devenus indispensables, à cause des coûts, nombre d’employés de ces magasins ont besoin, à cause d’un salaire insuffisant, de ces compléments pour sortir de la précarité. De nombreux étudiants ne parviendraient pas à financer leurs études sans ces heures supplémentaires qu’ils accomplissent en dehors de leurs heures de cours. Avec beaucoup de mérite et un handicap certain par rapport à ceux dont les parents peuvent subvenir aux droits d’inscription en faculté grandissant, au coût exorbitant de l’hébergement. Si les cités universitaires étaient plus développées, si les inégalités n’étaient pas aussi flagrantes, ils n’auraient pas recours à ces pratiques. Le mal est beaucoup plus général ; la mondialisation a largement contribué à cette généralisation. On a rendu le travail aléatoire pour moins le payer. C’est donc plutôt aux racines qu’il faudrait s’attaquer. Encore un mal venu de la complexité du monde et que des lois ne peuvent pas facilement encadrer. Nos gouvernants seront forcément conduits à plus de souplesse. Ce sont les équilibres qui ne sont pas faciles à trouver.
    De très nombreux services sont bien obligés de fonctionner le dimanche : la santé, les transports, la météo, la police... Et puis, comment ne pas prendre en compte toutes les dérogations qui ont été données, ici ou là, pour telle ou telle profession ? C’est un véritable maquis qu’il faudra bien débroussailler. La complexité encore et toujours. Ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est que le travail du dimanche apparaisse comme une régression sociale.
    Au risque de me répéter, un dernier exemple et pas des moindres : les collectivités territoriales. Nous avons 36000 communes dont beaucoup n’atteignent pas les 500 habitants, les sous-préfectures, les départements avec leur Conseil général et leur préfecture, les régions instituées en 1974, et maintenant les communautés de communes. Toutes ces institutions se sont rajoutées les unes aux autres, créant des doublons, multipliant les incohérences, et coûtant horriblement cher à l’usager, au dit "usager" qui paie les impôts dits locaux. Cette complexité-là, nous l’avons décrétée, et nous la conservons à cause de notre incapacité à nous réformer, chacun tirant la couverture à soi et refusant de faire le moindre sacrifice de ses avantages et prérogatives. A cause de cela, la situation est analogue à ce qu’elle était avant la révolution, avec un vocabulaire différent mais avec les mêmes défauts : on avait multiplié les offices, les avantages des uns et les impôts des autres. La "complexification" due à la multiplicité des progrès, dans de plus en plus de domaines est compréhensible, sinon acceptable, celle due à l’homme et à sa mauvaise volonté ne l’est pas.
     On pourrait multiplier les exemples : chaque jour en apporte de nouveaux. La France est ingouvernable, constatait le général De Gaulle ; et il citait, par boutade, le nombre de ses fromages comme cause possible de cette impossibilité. Je pense que lorsqu’on veut changer les choses, il faut le faire à petit pas, en se ménageant des possibilités de retour en arrière, en s’assurant, peut-être par l’expérimentation préalable, que les modifications engendrées n’auront pas une incidence insupportable, pour les intéressés, pour les finances, pour le bon fonctionnement de notre société. Mais il faudrait aussi que les citoyens se montrent un peu plus souples pour accepter les décisions de la majorité, lorsque celles-ci ont été mûrement réfléchies, débattues et entérinées par un consensus presque général. Cette complexité à gouverner provient de la diversité des personnes, des milieux, des institutions. Les passages en force font plus de mal que de bien. Il faut aussi apprendre le vivre ensemble sans lequel un pays ne peut que se déchirer. La tolérance doit être de mise en ce qui concerne les choix individuels, dans le cadre des libertés, l’acceptation doit l’être aussi lorsque des décisions importantes ont été prises par ceux qui nous dirigent, s’il le font en leur âme et conscience, dans l’impartialité et la sérénité. Et avec la compétence requise.
    Nos gouvernements à venir devront s’employer à simplifier les choses, à simplifier la vie des gens. On n’a pas cessé d’ajouter des lois aux lois : des lois souvent contradictoires, des lois que leurs décrets d’application ne font que complexifier, avec des décrets qui parfois ne sont même pas pris, ce qui rend la loi caduque avant même d’être promulguée. on nous parle d’une mise à plat de tous les impôts. Elle serait sans doute nécessaire, mais sommes nous capables de le faire et plus encore de l’accepter après qu’elle aura été faite. Il semble bien qu’en France on ne soit guère capable de changer, fût-ce dans le bon sens. Il reste peu de temps à notre société pour se réformer vraiment et correctement, faute de quoi, elle risque de sombrer dans le chaos, les forces en présence, les antagonismes entre les groupes, le communautarisme qui menace de s’instaurer ici ou là, pouvant d’un moment à l’autre provoquer la rupture avec ses excès que l’on aura bien du mal à endiguer. Je ne veux pas être pessimiste mais pour qui approfondit l’actualité, il est clair que les choses vont au plus mal. Après cela, il ne peut y avoir que le mieux ou le pire. C’est le beaucoup mieux qu’il faudrait essayer de dégager. nous le pouvons si nous faisons appel à du sang neuf, si nous balayons d’un trait de vote tous ceux qui ont fait la preuve de leurs incompétences.

 

2014

 

Que faut-il, souhaiter à la France ?
Qu’elle recouvre la santé
Et qu’elle fasse l’unité
Pour que revienne l’espérance !

 

Que ses enfants aient une chance,
Pas que d’être mais d’exister
Dans l’honneur et la liberté,
Pour que s’éloigne la souffrance !

 

Ce scénario est-il possible ?
Oui ! pourvu qu’il soit notre cible !
N’avons-nous pas encor des bras,

 

Une intelligence certaine ?  
Nul ne se découragera
Si sa volonté n’est pas vaine

A propos de complexité

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